Par Jean-Christophe PONTHIER - Liins Bordeaux
Publié le 18 novembre 2019
Cela ne vous aura sans doute pas échappé, la presse s’en fait largement l’écho actuellement : les taux d’emprunt de nombreux pays sont passés sous la barre des 0%. On parle de taux négatifs. Même si le sujet n’est pas forcément des plus sexy, prenons quelques minutes pour comprendre de quoi il s’agit, car ces taux négatifs ont une incidence directe sur votre épargne.
Habituellement, lorsqu’on souscrit un prêt financier, on rembourse le capital emprunté et des intérêts. Ces intérêts peuvent être assimilés à une forme de rémunération pour l’organisme prêteur. Mais quand les taux sont négatifs, vous remboursez moins que ce que vous avez emprunté : si les taux sont à -1%, et que vous empruntez 100€, vous n’aurez que 99€ à rembourser.
Cet effet d’aubaine profite aujourd’hui à la France : depuis cet été, l’État français emprunte à des taux négatifs sur 7 ans.
Comment est-ce possible ?
Les taux sont dictés en grande partie par la Banque Centrale Européenne. Or, depuis la crise de 2008, la BCE, pour relancer la consommation, ne cesse de baisser ses taux directeurs. Jusqu’à consentir des taux négatifs. C’est une façon d’inciter les banques à ne pas laisser leur argent dormir et à prêter de l’argent. Dans un environnement concurrentiel, les banques peuvent ainsi gagner de nouveaux clients, sans prendre beaucoup de risque.
Ces taux négatifs expliquent en grande partie pourquoi les taux d’emprunt immobilier sont aujourd’hui particulièrement bas.
Si vous souhaitez acheter un appartement ou une maison, ces taux négatifs sont donc une chance car ils vous permettent aujourd’hui de contracter des prêts immobiliers à des taux extrêmement intéressants (le taux moyen constaté en septembre était de 1,27% !).
En revanche, pour les épargnants prudents, c’est au contraire la douche froide. Les placements sans risque (livrets bancaires, assurance-vie avec fonds en euros) ont vu en effet leurs rendements fondre comme neige au soleil.
Dans le cadre de placements au capital garanti, les banques et les sociétés d’assurance évitent en effet de prendre des risques dans l’économie de marché ; elles privilégient les obligations publiques, autrement dit les emprunts d’État (un État présentant peu de risque de faillite). Et comme les États empruntent à taux négatifs, les sociétés d’assurance ne gagnent plus d’argent avec ces placements, voire en perdent. Elles préfèrent perdre un peu dans un produit sûr (les emprunts d’État), plutôt que de prendre des risques dans un contexte économique compliqué. Conséquence : elles sont contraintes de baisser le rendement proposé à leurs clients. En l’occurrence les épargnants prudents.
Ceci explique pourquoi les livrets A et autres livrets bancaires ou les assurances vie constituées de Fonds en euros (qui représentent 1400 milliards d’euros !) perdent tout intérêt pour l’investisseur à la recherche d’un minimum de rendement. Si on tient compte de l’inflation qui oscille autour de près de 1%, ces placements font perdre de l’argent.
Est-ce pour cela qu’il faut se détourner de ces placements au capital garanti ? Bien sûr que non. Il faudra toujours vous constituer une épargne de précaution afin de faire face aux imprévus. Au-delà de cette épargne de sécurité, il sera judicieux de repenser à vos supports d’investissement.
Par contre, ce qui est sûr, c’est qu’il est aujourd’hui difficile (euphémisme ?) de chercher du rendement sans accepter de prendre une part de risque. Si vous avez de l’épargne ou du capital, vous avez évidemment tout intérêt à investir dans des unités de comptes ou des SCPI/OPCI par exemple. Ces investissements sont aujourd’hui proposés dans des enveloppes différentes : assurance vie, le nouveau PER, investissement en direct et autres.
Plus que jamais, un patrimoine bien géré est un patrimoine diversifié. Méfiez-vous de manière générale des formules lénifiantes ou trop directives. Dans le contexte actuel, qui voit les taux négatifs s’installer dans la durée, difficile de viser un minimum de rendement sans prendre un minimum de risque. Mais tout est question de mesure, en tenant compte, plus que jamais, du profil de l’investisseur (son âge, sa trajectoire professionnelle, son épargne, son aversion au risque ou au contraire son appétence pour le gain, son horizon de placement).
Alors, oui, je vais prêcher pour ma paroisse : à moins, bien sûr, d’être un investisseur informé et averti, un conseiller en gestion de patrimoine est le plus à même de vous accompagner, en toute indépendance. Tout simplement parce que c’est son métier.